Pendant un an je n’avais nagé qu’avec des plombs à ma taille, forçant toujours pour être plus rapide, pour avoir le meilleur chrono.
A ma première compétition, alors que je m’apprêtais à enfiler ma ceinture de plongée, Paulo me la pris des mains et la rangea dans mon sac : « Aujourd’hui, tu nage sans. »
Je me souviens de ma peur. Peur de l’inhabituel. Mon estomac était noué, je me sentais lourd et gauche. Et pourtant, dés que je me retrouvai sur le plongeoir, les lunettes sur mes yeux et mes cheveux bouclé caché sous mon bonnet, mon esprit se vida et je n’attendais plus que le coup de départ pour m’élancer dans ce liquide frai et accueillant.
Je me souviens de ce silence. Un silence tendu autour de moi, tout se faisait brumeux. Les sons étaient comme étouffé, ma vue comme rétrécie. Seul restait le résonnement de mon cœur dans les oreilles et les deux ovale sombre me déroulant les cinquante mètre d’eau lisse devant mes yeux. Ma respiration était calme et profonde, mes muscles près à réagir.
Premier coup de sifflet. Les dix participant en même temps agrippe les bords du plongeoir, se penche, les fesses vers le plafond et la tête tourner vers le bord opposé du bassin.
Deuxième coup de sifflet. Par pur reflexe, j’élancé mes bras en avant, rentré la tête et poussé sur mes jambes. Le choc avec la surface liquide fut léger et je rentrai dans l’eau telle une lame aiguisée.
Je me sentais léger comme une plume et mes mouvements étaient rapides. Je sentais autour de moi les remous des autres participants. Je fis près d’un quart de la piscine sous l’eau, me propulsant avec les jambes, avant de remonter et d’entamer véritablement la course. Je respirais tout les quatre temps et puis bientôt le bord du bassin arriva. C’était une course de cent mètre. Il fallait donc que je fasse un virage rapide pour ne pas perdre de temps. Mais face à ce mur, je me sentis sans force et sans le remarquer, je ralentis ma cadence pour bien le prendre.
J’avais commis l’erreur. L’erreur de tout débutant. Celle de réfléchir pour agir. Ceux qui me suivait profitèrent de cette hésitation et me dépassèrent. J’eu beau, sur la deuxième longueur, me surpasser pour les rattraper, mais en vain. J’avais cassé mon rythme.
Sur les dix participants, j’étais arrivé cinquième. Déjà très bien pour une première et Paulo était fière de moi. Mais moi, je m’en voulais d’avoir hésité. J’aurais put faire mieux. Bien mieux que ça. J’avais presque honte de ma « performance » et décidé de m’entrainer encore plus pour être meilleur. J’avais envie de gagner. Je devais gagner. Je voulais être le meilleur.
Ce 19 août 1985, je décidai de me concentrer corps et âme dans mes entrainements au profit de mes cours. Durant ma première année chez les jésuites, je m’étais plutôt bien débrouillé. Avec mon quatorze sur vingt de moyenne, j’étais satisfait de moi au damne des professeurs qui trouvaient que je pouvais faire mieux. Mais l’année qui suivit, je délaissai mes cours, arrivant en retard, sortant la nuit de l’internat pour courir et augmenter a capacité respiratoire. J’arrivais à l’avance à la piscine pour commencer moi-même mes entrainements. Le saxophone m’aidait énormément à synchroniser ma respiration et bientôt elle devint en accord avec les pulsations de mon corps, rythmée pour les temps de mes bras entrant dans l’eau.
Au fur et à mesure de mes entrainements, après cette première compétition, je me chargeais inconsidérablement en poids avec ma ceinture de plongée et je m’obligeais à avancer sur les murs de la piscine sans crainte, pour aborder au mieux mes virages. Très vite, Paul fut étonné de mes capacité grandissante et m’encouragea à continué, me proposant à plusieurs reprise de m’inscrire à une compétition, mais à chaque fois, je refusais, déclarant que mon chronomètre n’était pas encore assez bon.
Pendant six mois, je ne fit que m’entrainer encore et toujours jusqu’à ce que j’arrive un beau jour de février à battre le record de la seul compétition que j’avais faites jusqu’à présent, chargé avec cinq poids d’un demi kilo à ma ceinture.
Paul n’était pas encore arrivé, je m’était échauffé, j’avais déjà nagé quelques longueurs et travaillé ma respiration. J’avais chargé ma ceinture au maximum que je pouvais. Je savais ça dangereux, mais je prenais les risques. A peine dans l’eau, je me sentis tiré vers le bas par le poids et me débattis pour rester la tête hors de l’eau. Montre chrono en mains, je m’étais lancé pour faire mes cent mètre le plus rapidement possible. Je me sentais glisser sur l’eau, léger et en même temps lourd, ma respiration était calme et régulière tout les quatre temps. Au premier virage, je n’hésitai pas, frappant le mur de toute mes forces et me propulsant comme un boulet dans le sens inverse jusqu’à touché enfin le mur après les cent mètre, fermant le chrono dans le même mouvement.
Le record lors de la compétition avait été d’un minute et dix seconde vingt quatre millième et je venais de le rabaisser de près de cinq seconde.
Au début, quand mon cerveau avait décodé l’information, j’ai cru qu’il avait une défaillance, qu’il s’était arrêté pendant que je nageais, mais en refaisant à nouveau les deux longueurs, le temps était proche du premier. Lorsque Paulo arriva, j’étais tellement euphorique qu’il crut d’abord que je m’étais drogué. Et dans cet état, j’avais oublié de retirer mon handicap avant son arrivée. Quand il s’en rendit compte, il devint rouge pivoine, la colère l’emportant sur ma joie. Au lieu de mon entrainement journalier ce jours la, j’eu droit à la plus belle engueulade de ma vie, ainsi qu’un exposé sur les dangers de nager avec une ceinture aussi chargée sans palme.
Il me quitta après un quart d’heure, déçut de mon comportement, me disant que quand j’aurais décidé de changer, je pourrais à nouveau reprendre mes cours avec lui.
Quand je le revis en gym, il ne m’adressa même pas la parole, me laissant me démerder dans les exercices de gymnastique qu’il nous imposait. A la fin du cours, plusieurs de mes camarades me rirent au nez, lâchant que même le prof de gym me laissait tombé, désespéré par mon inaptitude à travailler comme un bon belge.
Ce jours la, je compris que mon envie de gagner, cet esprit de compétition qui m’animait, me poussait hors des limite permise, me mettant en danger, me faisant rejeter les seules choses qui m’apporterais du bonheur : l’amitié, les amis. Depuis que j’avais sérieusement commencé mes entrainement, les rares amis qui m’entouraient, s’étaient peut à peut détourner de moi.
Seul Jovani, un nouveau de l’année, italien, restait avec moi. Toujours silencieux, il mettait une heure à sortir une phrase dans un français précaire. Il le comprenait très mal. Moi, je ne comprenais rien à l’italien. Parfois, pour me remonter le morale, je me mettais à parler dans ma langue natale.
Depuis que Paulo ne m’adressait plus la parole, la Belgique m’apparaissait à nouveau comme le pays de la pluie.
Il me fallut près d’un mois pour que je me décide enfin à me rendre à l’appartement de mon frère, parce que je le considérais comme tel et non comme un demi-frère. Pas que je ne voulais pas me faire pardonner, plutôt que j’avais peur qu’il n’accepte pas mes excuses ou qu’il refuse d’à nouveau m’entrainer.
Je me souviens parfaitement de la phrase que j’avais composée et apprise par cœur. Et quand je me présentai devant sa porte, le cœur battant à tout rompre, qu’il avait ouvert la porte, je l’avais débité de bout en blanc, sans respirer.
« -Je viens m’excuser, j’ai été aveuglé par l’envie de gagner, mon comportement était dangereux et irresponsable. J’ai beaucoup réfléchit et je suis près à reprendre l’entrainement selon tes règles et à t’écouter jusqu’à ce que mes oreilles en saigne. »
J’avais repris mon souffle bruyamment, fixant son visage qui très vite se composa un rictus moqueur avant qu’il n’éclate de rire. Je me souviens de ce qu’il m’a répondu, je m’en souviens parfaitement.
« -Je n’ai pas compris un mot de ta tirade, mais j’accepte tes excuses. Tu as eu le courage, après un mois, de venir me trouver et me prouver que tu as repensé à tes actes. »
Doucement, Paul m’avait pris par les bras et m’avait fait relever les yeux vers lui.
«-Soit la demain au première heure à la piscine. Et je veux que cette fois on travaille pour la prochaine compétition dans un mois. »
J’avais acquiescé énergiquement et les jours suivant, comme prévus, je me rendais tôt au bassin pour pouvoir travailler.
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